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par François Brooks
On enregistre tout[1]. On ne veut rien oublier : musique, vidéo, photos, livres, journaux, cinéma, jeux vidéos, ordinateurs, Internet, rien ne doit être perdu. Tout le matériel enregistré dans le monde représente des milliards de pages de textes et de photos, des heures incalculables de musique et de scènes cinématographiques.
En vacances, je fus sidéré de constater ce fait en circulant dans les rayons d'un énorme magasin Future Shop® quelque part dans la région de Toronto. Cassettes, CDs, et appareils en quantité astronomique, je peux acheter de quoi occuper tout mon avenir.
Mais qu'est-on en train de faire? Pourquoi tant programmer? Si je le veux, j'ai accumulé chez-moi tant de livres, de compacts-disques et de cassettes vidéo que je pourrais prédire exactement ce que je veux faire dans l'avenir : revivre mon passé en le programmant d'avance : relire, réécouter et re-visionner tout le matériel enregistré que je possède chez-moi.
Tant enregistrer, vouloir tant capturer le présent pour le réactualiser dans le futur, ne démontre-il pas un attachement démesuré au passé? Mon avenir est-il destiné à la réminiscence qui me sera procurée par des machines qui me feront sans cesse revivre mon passé? Ces machines à voyager dans le temps ne sont-elles pas un piège qui m'empêche de vivre mon présent?
À vouloir voyager dans le temps, n'est-on pas en train de perdre le présent en nous mettant au service d'un futur enchaîné au passé?