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par François Brooks
« Je ne suis pas capable, je ne suis pas bonne et puis je ne suis pas belle » disait une participante touchante. Donc, sa vie est une perpétuelle quête de ces trois qualités. Tout comme Sisyphe, c'est le rocher qu'elle pousse et qui retombe continuellement avant d'avoir atteint le sommet de la montagne.
Pourtant, je voyais devant moi une très belle femme. Sa beauté extérieure ne témoignait-elle pas de sa beauté intérieure? Elle se sent si mal à l'aise qu'elle pense être laide. Alors, quelle est cette beauté que j'admire? N'est-elle pas si admirable justement parce que l'on voit qu'elle est le fruit de tant de vaines souffrances?
J'admire cet être humain qui souffre. C'est cette vaine souffrance qui me le fait si beau.
Et pourtant, je sais que je me trompe. Tout cela est une projection de moi-même sur l'autre. C'est ma souffrance que j'admire en l'autre, mon courage, ma beauté, bref, cette adoration que je lui prodigue n'est qu'un immense exercice de narcissisme. Pourtant, je lui dois tout : qui serais-je sans l'autre pour me faire admirer ma propre humanité?
C'est l'autre qui me délivre de moi-même et qui me livre à moi-même. L'autre m'extirpe de moi-même en me créant l'illusion que c'est lui que j'admire ou que je déteste. C'est à s'y perdre. Qui suis-je de l'autre ou de moi?
C'est alors que nous aurions peut-être besoin de Dieu (ce concept indispensable) pour nous délivrer l'un de l'autre et nous apporter la paix dans ce kaléidoscope aux multiples miroirs que nous sommes tous les uns pour les autres. Son utilité tient précisément au fait qu'on ne puisse ni le voir ni l'entendre personnellement. Il est rien et tout à la fois, et cette seule idée m'apporte le repos dans cette vie tourmentée de tous bords tous côtés.