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La conférencière bouddhiste

par François Brooks

Elle était belle comme un cœur et nous parlait d'amour. Le rêve! Surtout pour moi qui n'ai pas d'amoureuse pour exalter mon corps en cette St-Valentin un peu morne. Amour, attachement, souffrance, possession, bonheur,... elle nous déballait tout son monde intérieur. Et nous, les soixante sanyasins, comme autant de thérapeutes, nous l'écoutions attentivement sans rien dire. Elle semblait par moments ne pas se prendre trop au sérieux. Ça la rendait si sympathique. Avec nos soixante paires d'oreilles et de yeux elle vérifiait, testait son monde. Elle se reconnaissait à travers nos réactions. Ça l'exaltait. Et par effet miroir, nous avions l'impression d'être heureux à voir le bonheur lumineux de ses yeux que nous étions en train de créer. Nous la rendions heureuse, nous donnions un sens à sa vie.

 

Comme l'écriture n'est jamais qu'un exercice littéraire, qu'il soit biblique ou journalistique, le spectacle est un exercice d'exhibition, que ce soit la messe ou la simple représentation du saltimbanque. Nous cherchons davantage à y trouver le miroir de soi pour nous allier un complice qui nous fera vivre, qui vérifiera notre existence, que d'y trouver un hypothétique bonheur que chacun cherche à définir à sa façon. Les gens ne cherchent pas le bonheur ; ils cherchent à être compris, entendu, écouté. Ils veulent donner à l'autre le bonheur de les écouter. Notre conférencière nous donnait le bonheur de l'écouter puisqu'elle était belle, simple, riche, radieuse, bref, agréable à regarder.

 

Comme cette belle Christine, j'aurais bien aimé vive ce bonheur mais je suis encore si mal préparé à faire des autres mon miroir. Peut-être parce que je ne crois pas encore avoir quelque chose d'intéressant à faire miroiter. Peut-être parce que les circonstances matérielles empêchent que tous, nous devenions conférencier chacun son tour, symétrie du bonheur partagé oblige.

 

Conférencer, c'est mettre son esprit à nu devant tous. C'est une exhibition qui me foutrait le trac. Moi, seul, tout nu devant tous ces gens habillés de leur silence... Merci Christine de t'être mise à nue devant nous tous. J'admire ton courage que je n'ai pas encore. La danseuse des bars que je ne fréquente pas m'en aurait montré moins que toi.