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par François Brooks
« Quand on aime, on reçoit de l'amour même si l'autre ne nous en donne pas. Cet amour que l'on génère nous revient automatiquement », disait l'enseignante avec son délicieux air angélique.
« Celui qui le dit, celui qui l'est. » dit la sagesse enfantine. « L'injure, c'est l'argument du faible ; c'est un aveu de reddition. » ai-je écrit quelque part. L'injure, comme l'amour que l'on génère nous revient de la même façon. En pensée symétrique, on peut alors dire que le compliment est l'argument du fort, une prétention de conquête. L'amour n'est donc pas gratuit ni naïf. S'il est intentionnel, il porte sa part de narcissisme, d'impérialisme. Les chrétiens des croisades se bâtissaient, à force d'amour, un empire qui allait devenir colossal. Ce message d'amour du Christ qu'ils ont porté avec succès jusqu'à notre époque porte le sang des croisades, de l'inquisition. Ces morts après tout n'ont peut-être pas été inutiles. Kierkegaard avait bien raison de penser qu'il était impossible d'être Chrétien mais que nous ne pouvions pas faire autrement. Quand j'aime, c'est moi que je vise, c'est mon propre bien-être que je cherche déguisé sous forme d'altruisme.
C'est dans ce sens que Bruce Huard avait dit une fois, lorsque son vedettariat lui causait des ennuis, que les gens qui l'embêtaient n'étaient pas assez égoïste. Il voyait alors l'égoïsme comme un bienfait.
Qu'on me comprenne bien. Je ne suis pas en train de définir le bien ni le mal, j'estime que ce sont des zones grises du comportement humain. C'est bien là d'ailleurs qu'Adam et Ève se sont cassé les dents avec l'Arbre de la science du bien et du mal. Je ne veux plus croquer la pomme, un point c'est tout. Je veux essayer d'aimer parce que c'est à mon avantage et je me refuse à juger de ce qui est de la haine.
Tout comme Léo Ferré disait : « Quand le bien peignera la crinière du mal » pour choquer en suggérant que le mal n'était pas plus suspect que le bien, j'affirme que le bien n'est pas moins suspect que le mal. Ce sont deux facettes d'une même pièce. Je décide donc de choisir ce que j'estime être le bien en espérant plaire au plus grand nombre (pour avoir la paix) et avoir la plus grande force (si je suis fort, c'est moi qui ai le pouvoir), mais je sais maintenant que ce bien reste très relatif.