Comment définir la masculinité ?
Construction sociale des rôles sexués
(Lettre ouverte... [1])
par François Brooks
Ironie de l'histoire, alors que les femmes réclamaient des hommes plus doux, plus gentils, moins agressifs, elles-mêmes étaient encouragées à être des battantes et des conquérantes. Au moment même où on glorifiait la nouvelle guerrière, on décourageait l'homme d'en être un.
Élisabeth Badinter, XY - De l'identité masculine, Odile Jacob © 1992 (p.215)
Bonjour Madame Bilodeau
Merci pour la représentation de notre groupe auprès des médias et particulièrement à l'émission de Mario Tremblay qui, assisté de Martine Albert, a très bien mis en valeur vos propos.
Il est intéressant de constater que, sauf le métier de camionneur, vous n'avez à peu près parlé que d'emplois de la fonction publique : pompier, policier, militaire, infirmier, ambulancier, enseignant, garderie etc. Ceci est, il me semble, révélateur d'un étatisme dont je parle plus bas.
Tout a baigné dans l'huile. Bravo ! Sauf pour le type qui a téléphoné en fin d'émission et soulevé la question suivante :
« Quelle est la part des construits sociaux dans les rôles féminins et masculins ? »
Puis-je essayer d'éclaircir un peu cette question qui, faute de temps, n'a pu être abordée comme elle le méritait. Elle se situe au cœur même de la théorie féministe actuelle et il importe de la maîtriser si on veut élever un peu le débat au-dessus de l'opinion sommaire.
D'abord, nous ne devons pas nous laisser berner par cette question d'allure savante. En français courant, ça veut dire :
« Qu'est-ce que la société veut produire comme comportements « féminin » et « masculin », et comment distribuer les rôles ? »
Cette question sous-entend qu'il n'existerait pas de « nature » masculine ou féminine, mais que la masculinité est carrément, comme la féminité, une fabrication culturelle. C'est la question que résume Simone de Beauvoir en affirmant qu' « On ne naît pas femme, on le devient. » Ça veut dire que la société fabriquerait notre genre par l'éducation et les modèles médiatiques qu'elle favorise. Il n'y aurait pas de genre « naturel » à proprement parler. C'est ce qu'on veut dire quand on affirme : La féminité et la masculinité sont des « constructions » sociales. Ceci nous oblige à poser la question que vous avez très bien formulée en me citant : « Comment redéfinir l'homme ? » (après 50 ans de féminisme). Autrement dit, faisons d'abord des plans avant de bâtir la maison ; définissons d'abord l'homme avec lequel nous allons construire notre société.
Qu'est-ce qu'un homme et comment le fabrique-t-on ?
Avec cette question, nous entrons dans une zone grise et c'est là que les féministes nous attendent de pied ferme. Elles ont une longueur d'avance puisque, depuis belle lurette, elles y réfléchissent dans leurs Facultés universitaires d'études féministes (voir l'IREF, Université Laval, IGSF). Elles savent forger leur identité, elles s'y appliquent. Elles ont l'appui médiatique et le soutien financier gouvernemental et universitaire. Faute d'une Faculté d'études masculistes (actuellement à l'état embryonnaire aux États-Unis) qui laisserait aux hommes le soin de se redéfinir par eux-mêmes, elles pensent que l'homme doit le faire en fonction de leur manière de concevoir l'être femme [2]. Maintenant que le féminisme a redéfini la femme comme un être émancipé en droit de s'autodéterminer, le mouvement cherche à redéfinir l'homme idéal s'ajustant à leur agenda. Et c'est là que le bât blesse. Si l'homme se redéfinissait complémentairement à ce que les études féministes dessinent pour la femme, celui-ci n'aurait d'identité propre qu'en fonction de celle-là. L'homme n'aurait donc pas plus d'identité propre que les femmes soumises à l'ancien patriarcat. La féministe qui veut faire ainsi de l'homme son objet dévie alors de son objectif premier qui consistait à émanciper la femme. C'est pourquoi on les appelle déviantes comme, à la suite d'Élisabeth Badinter, vous les avez bien qualifiées.
Tant que l'on n'aura pas compris que l'homme doit définir sa propre identité en dehors du champ d'identification féministe, ce sont elles qui, en creux, définiront l'identité masculine et en feront un citoyen de second ordre, infantilisé. Si la femme devait accéder à l'âge adulte en s'émancipant du patriarche, ceci fait, devons-nous inverser les anciens rôles patriarcaux et faire de l'homme, le mineur soumis aux dictats féministes ?
Nous sommes loin ici des nobles intentions égalitaristes du départ. Il n'y a pas d'égalité ; il y a cohabitation, partage du territoire, lutte pour le même territoire ; et, dans la mesure où l'une s'empare de tout le territoire qu'elle convoite, il ne reste à l'homme que ce qu'elle veut bien lui concéder. Et elle ne lui concédera que ce qui lui sera profitable à elle. Il ne faut pas avoir lu beaucoup Francine Descarries [3] pour comprendre que son projet féministe est loin d'un altruisme humaniste mais se rapproche plutôt d'une conquête ne visant le profit que de la moitié féminine de l'humanité et la soumission de l'autre moitié à leur agenda. Quand la femme est devenue si gourmande de territoire qu'elle cherche même à occuper des métiers qui, sauf exception, ne sont pas faits pour elle, on s'attriste que son désir d'émancipation l'ait ainsi égarée de sa propre nature. Mais ceci ne me concerne pas. L'émancipation des femmes concerne les femmes. Ce qui me préoccupe, c'est l'émancipation de l'homme. En tant qu'homme au Québec, le travail à faire est immense. Nous avons 40 ans de rattrapage territorial à faire pour nous approprier une identité masculine qui reste à définir puisque tous nos repères d'avant le féminisme ont sauté. Mais une chose est certaine, l'identification à sa propre nature est le travail personnel de chacun et, comme Wafa Sultan le soulignait dans Le choc des civilisations, personne n'a le droit de donner aux autres une identité qu'ils ne se sont pas donnés à eux-mêmes.
Pour vous, Madame Bilodeau, l'identité masculine est une chose nette et claire. Quand vous parlez d'un homme, vous savez de quoi vous voulez parler. Mais, si vous étiez née après l'éclatement des rôles des années '70 cette définition serait, vous en conviendrez, beaucoup plus floue. D'où l'importance de réfléchir sur la question à nouveaux frais. La plupart des jeunes de moins de 40 ans sont nés dans une époque où l'identité sexuelle est devenue de plus en plus floue. On peut l'illustrer notamment par l'explosion des genres : gais, bis, hétéro, etc. Discuter de la part des construits sociaux des genres, c'est décider de ce que l'on veut inclure dans le genre « homme » ou « femme ». Et c'est précisément notre problème le plus fondamental ; problème créé par l'idéologie féministe de la fin du XXe siècle. À partir du moment où, en tant que société, nous avons encouragé les femmes à conquérir des domaines jadis réservés aux hommes, l'identité masculine a été peu à peu remise en question. Bref, on ne sait plus ce qu'est un homme puisqu'on lui a ravi l'exclusivité des domaines propres auxquels il s'identifiait. Travail, mari et père, trois rôles dont l'homme n'est plus le détenteur exclusif du modèle puisque ceux-ci peuvent aussi bien être occupés par une femme, un second conjoint, une conjointe lesbienne, l'État providence ou un donneur de sperme anonyme, à tout moment, sans son consentement et sans conséquences légales autres que l'obligation de pourvoir sans autre bénéfice en retour. Un homme n'aura donné qu'un spermatozoïde à une amante provisoire se faisant passer pour conjointe, et il devra payer pendant vingt ans une pension alimentaire pour un enfant qui ne portera même pas son nom sans aucune garantie que ses droits de visites soient respectés. Bref, toutes les responsabilités familiales de jadis incombent encore à l'homme sans le bénéfice du statut identitaire ni la garantie de reconnaissance pour ces responsabilités. L'identité masculine doit donc se reconstruire à partir de zéro sur des bases tout à fait différentes et peut-être incertaines.
On sait qu'une femme peut tout faire (du moins, on veut bien le croire), et on pense aussi qu'un homme peut occuper toutes les fonctions possibles. De ce fait, la société a permis le brouillage des repères. Si les femmes s'en sont bien sorties, c'est grâce au féminisme qui a sans cesse veillé à les conforter dans leurs nouveaux rôles supportés par des ministères gouvernementaux et des facultés universitaires. Mais les hommes n'ont eu pour cette mutation sociale aucun support. Leur force qui jadis était garante de la sécurité familiale est devenue suspecte et même considérée comme une menace, jusqu'à perdre leurs droits de présomption d'innocence en cas de conflit conjugal alors que leurs compagnes jouissent d'une immunité judiciaire, et ceci en flagrante rupture avec la Charte des droits et libertés.
Le féminisme est allé loin au-delà du simple humanisme reconnaissant à la femme le droit de s'exprimer librement, de sortir de l'oppression et de ses chaudrons. Non pas l'oppression par les hommes puisque, comme vous l'avez souvent dit vous-même, les hommes ont toujours été aussi opprimés devant leurs charges sociales et responsabilités familiales : mari et épouse, tenant leurs positions respectives dans la chaîne de l'oppression, vivaient ainsi dans une certaine équité. Il faut reconnaître qu'en libérant la femme, on a aussi libéré l'homme mais le féminisme a ainsi ébranlé les fondements même de l'ordre social. Comme le dit Sartre, l'homme est condamné à la liberté. Plus rien n'est comme avant. Et comme nous ne voulons ni ne pouvons faire marche arrière, nous devons redéfinir nos objectifs sociaux en fonction des rôles attribués aux genres. Et tout ceci se complique avec la multiplicité ethnique, l'intégration des handicapés, la place accordée à l'enfance, la diversité des orientations sexuelles et la liberté religieuse.
Mais ne couvrons pas trop large et, pour le moment, ramenons le débat sur la question qui nous préoccupe : Qu'est-ce qu'une femme, et qu'est-ce qu'un homme ? Comment désormais les redéfinir ?
J'avoue être séduit par votre définition de la femme quand vous dites « Une femme c'est d'abord une personne qui aime les hommes. » Position humaniste et assez chrétienne avec laquelle je me sens plutôt confortable. Mais comment doit-on définir l'homme ? Est-ce une personne qui aime d'abord les femmes ? Peut-être, mais n'est-ce pas un peu réducteur ? L'identité de l'homme disparaît-elle s'il n'y a aucune femme dans son entourage ? Actuellement, ce serait plutôt le contraire : un homme ne se permet-il pas davantage d'être homme dans un groupe d'hommes, loin des regards féminins ? (voir le film De père en flic) Dans les écoles pourtant mixtes, ne voit-on pas les garçons et les filles se regrouper majoritairement selon leur sexe de manière spontanée, justement pour s'exprimer avec davantage d'aisance auprès de camarades auxquels ils s'identifient naturellement ? (voir le film Le déclin de L'empire Américain) Voilà déjà une piste. Si l'homme et la femme peuvent se définir mutuellement en présence l'un de l'autre, chacun n'a pourtant pas moins une identité propre hors de la complémentarité du rôle sexué construite socialement. Nous avons donc deux définitions à produire pour chaque genre. Et comme chacun des deux passe davantage de temps hors de la relation conjugale, il importe d'abord de définir l'homme en tant qu'homme seul face à lui-même ou en compagnie de ses pairs. Mais voilà que nos sociétés mixtes, contrairement aux sociétés traditionnelles, mettent toujours les hommes en présence des femmes. Celles-ci sont en compétition permanente pour les mêmes postes et œuvrent dans les mêmes services, compétition déjà exacerbée pendant toute la période d'éducation depuis la plus tendre enfance. Comment l'homme doit-il se comporter avec elles ? Quelle identité adopter ? Comment concilier l'esprit de compétition et le devoir de galanterie ? Sachant que, depuis 50 ans de féminisme militant, cette compétition s'est globalement soldée au détriment des hommes, le problème me semble inextricable. Je regrette parfois n'être pas né en société musulmane. (Contrairement à ce que les médias véhiculent, elles ne sont pas toutes fanatiques, loin de là. Il faut savoir nuancer. Saviez-vous par exemple que 70% des étudiants sont des filles en Iran ? (cf. Marjane Satrapi)). Mais revenons à nos moutons.
Vous entrevoyez peut-être ici le nid de crabe dans lequel nous nous sommes engagés quand nous avons laissé collectivement se décloisonner les rôles sexués. Le débat ne fait que commencer. Le malaise social auquel nous assistons quotidiennement témoigne du besoin de réfléchir collectivement sur le sujet. Les féministes ont peur, très peur. Francine Descarries ne cesse de répéter que leurs gains sont encore fragiles. Il s'agirait qu'une chance égale soit donnée au développement de l'homme pour que leurs conquêtes soient remises en question. La galanterie les protège. Les femmes n'ont-elles jamais d'ailleurs travaillé autant à se rendre séduisantes ? Et pourtant, jamais les lois et supports sociaux ne les ont autant favorisés. Mais pourquoi cette peur persistante ? Votre émission faisait consensus autour de l'idée que la compétence devrait primer. Sans Ritalin et à chances égales, les femmes seraient-elles encore gagnantes ? Cette question brûlante, vous n'avez heureusement pas osé l'aborder. On pourra peut-être y répondre dans 40 ans si on se décide à reconnaître et subvenir aux besoins spécifiques du développement des garçons. Pour le moment, il semble que le succès des filles dépende en partie d'une drogue administrée aux garçons survoltés qui autrement dérangeraient la tranquillité dont les étudiantes ont besoin pour réussir dans les classes mixtes. Ne jouissent-elles pas ainsi d'un taux de réussite pour le moins questionnable ? (voir la comparaison des taux de décrochage scolaire selon le sexe au Québec).
En réalité, le féminisme a posé un leurre dans lequel les hommes se sont pris comme envoûtés par le chant des sirènes. On commence à peine à s'en apercevoir. Le fait est que la femme ne s'est pas libérée plus que l'homme, puisque l'homme n'était pas plus libre qu'elles dans le passé. Son rôle complémentaire l'enchaînait tout autant (voir Alain Soral, Vers la féminisation, 1999). Elles ne se sont pas libérées de l'homme, mais tout simplement émancipées par elles-mêmes avec l'appui de l'État, des institutions universitaires et de l'économie marchande. Faute de soutien social, l'homme n'a pas bien compris cette transformation majeure, il n'a pas suivi le courant. Il a perdu son identité et est devenu minoritaire dans tous les métiers des services publics qui n'ont cessé, depuis 40 ans, de se multiplier en transformant graduellement chacune des fonctions familiales prises en charge et régies par l'État. Gestation, garderies, allocations familiales, scolarisation, régimes de retraite, soins de santé, état civil, transports, etc., la gouvernementalité régit tout ; le pouvoir appartient désormais aux femmes qui ont peu à peu envahi l'appareil d'État : discrimination positive, surreprésentation féminine dans la diplomation universitaire, surreprésentation dans la majorité des emplois fonctionnaires, etc. Les hommes qui jadis occupaient la majorité des postes clés sont graduellement remplacés par un surnombre de femmes que les universités produisent en proportion supérieure depuis plus de 25 ans (cf. Journal UQÀM 4 mai 1998) pendant que la propagande féministe noie le poisson en ne parlant que des femmes qui n'ont pas atteint la moitié de représentation féminine dans la sphère politique.
Pour s'en sortir, l'homme a besoin de s'émanciper lui aussi. Avec 40 ans de retard, il doit se redéfinir, mais en fonction de lui-même, comme les femmes l'ont fait, et non en fonction d'elles et du rôle qu'elles veulent bien lui accorder. Nous sommes peut-être à la veille de comprendre l'immense pouvoir de la chasteté qui, historiquement, a toujours été une pratique très répandue. Dans les années soixante, le Peace and Love nous avait fait perdre de vue que le pouvoir de l'autre dépend de la maîtrise de notre propre désir. Si je ne la désire pas, la femme n'a sur moi aucun pouvoir [4]. Pour rien au monde nous ne reconnaîtrions notre nostalgie pour la pérennité maritale comme un secret désir de retour en arrière, mais la bête chasteté que nos parents observaient religieusement leur avait pourtant assuré la stabilité d'un ordre social que l'on se demande bien aujourd'hui comment retrouver. Le pouvoir qui autrefois appartenait aux familles est passé aujourd'hui sous le contrôle de l'État. Est-on mieux ainsi ? Pourquoi la famille est-elle devenue une institution désuète ? Pourquoi préfère-t-on collectivement donner à un gouvernement aveugle et lointain le pouvoir de décider ce que les membres de notre famille ont besoin, privant ainsi le père d'une partie importante de son identité masculine ?
Nos mœurs nouvelles nous imposent de nous redéfinir et c'est là que la question « Quelle est la part des construits sociaux dans les rôles féminins et masculins ? » prend tout son sens. En considérant les rôles féminins et masculins comme des constructions sociales, ceci nous a permis de croire qu'on pouvait créer librement nos rôles et bâtir une société idéale émancipée de la cellule familiale naturelle. Nous avons ainsi créé une superstructure judiciaire monstrueuse qui n'agit jamais à temps dans des familles fragiles qui se décomposent toujours plus rapidement sans que les supports sociaux ne puissent intervenir adéquatement pour les enfants victimes de cette utopie sociale. Qui a pu croire qu'un État distant et impersonnel s'occuperait mieux des enfants que leurs propres parents ?
Il nous reste maintenant une dernière question peut-être plus importante encore : Quelle est la part du naturel et du culturel dans l'identité féminine et masculine ?
La vie en société est devenue si culturelle que nous n'arrivons plus à discerner ce qui est naturel. Alors comment définir l'identité masculine si nous nous sommes tellement éloignés de la nôtre que nous sommes devenus incapables de la reconnaître dans l'homme ? La nature devient alors n'importe quoi, d'où notre mutation vers le tout culturel. C'est à se demander si notre addiction pour la liberté ne nous a pas enchaînés davantage que ne le faisaient les anciennes limitations naturelles. Dans un tel contexte, la redéfinition de l'homme sera, comme le travail de Sisyphe, un éternel recommencement. Devant cette immense tâche nous serions tentés d'abandonner, mais les 40 dernières années nous ont montré que cette paresse mène à l'impasse regrettable où les féministes, occupant tout le champ de l'identité humaine, relèguent l'homme à la seule identité complémentaire d'une féminité capricieuse et opportuniste. L'homme peut largement dépasser cette maigre identité mais il doit, comme les féministes l'on fait pour elles-mêmes, la construire activement hors du champ où le féminin le confine. Soyons clair. L'identité masculine doit d'abord se définir à l'écart du jugement des femmes. L'homme est ce qu'il est et se définit comme il le veut et si, accessoirement, cette nature plaît aux dames, tant mieux. Mais il ne doit en aucune façon devenir le paillasson de celles-ci et trahir sa propre nature. Il n'a pas à devenir le miroir Narcisse de ses prétendantes. Il en serait autrement dénaturé et méprisé à raison par celles-ci, tout comme la femme soumise était jadis raillée par l'homme insatisfait. C'est d'ailleurs ce que conseillait sa grand-mère à Marjane Satrapi (voir Persepolis) quand elle lui recommandait d'être toujours digne et intègre à elle-même. Les principes féministes valent souvent aussi bien pour les hommes ; nous avons cependant une identité distincte à cultiver.
Je reconnais qu'il ne restait plus assez de temps à l'émission pour aborder cette facette de l'enjeu masculin, mais je pense que la question reviendra de plus en plus à l'avenir à mesure que les hommes voudront éclaircir le malaise qui les paralyse en tant qu'hommes dans une société aux modèles masculins flous dictés par un féminisme d'État tout-puissant. Cette émission a eu le mérite d'actualiser le débat et nous a fait constater à quel point Monsieur Toutlemonde n'est pas déconnecté de la triste réalité que notre livre, 300 000 femmes battues, y avez-vous cru ?, dénonce.
Encore une fois bravo pour l'émission et je vous remercie de m'avoir fourni l'occasion de cette réflexion.
[1] Lettre
ouverte adressée à la présidente de l'ANCQ,
Mme Lise Bilodeau, en guise de commentaire suite à l'émission Discrimination positive
de Mario Tremblay à RadioX CHOI FM 98.1 le 24 août 2010. Disponible en ligne
sur ce lien :
http://rms.radiox.com/player/radiox3/default.aspx?spc=CHOI&api=flash2
(Pour y accéder, inscrire « Bilodeau » dans la case [Mots clés] et [Lancer la recherche].)
[2] Le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF), superstructure féministe subventionnée par 20 organismes publics, gouvernementaux et universitaires, dans son volet Masculinités & Société, s'est donné le mandat de définir la masculinité en se présentant ainsi :
Masculinités et Société est une équipe de recherche interuniversitaire, interdisciplinaire et partenariale dont la programmation s’inscrit dans une perspective proféministe libérale, par son appui aux revendications et avancées associées à la recherche féministe et au mouvement des femmes.
Dans une perspective de promotion et de prévention, les recherches de l’équipe visent à mieux comprendre quatre réalités masculines importantes jugées prioritaires par les auteurs-es qui se sont intéressés-es au développement des recherches sur les hommes et les masculinités, soit : la paternité, la violence, la santé et la diversité culturelle.
Masculinités et Société est présentement financée (2007-2011) par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) par le programme de Soutien aux équipes de recherche pour Équipe en centre de recherche (Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes – CRI-VIFF).
Que penserions-nous si un regroupement d'hommes se donnait le mandat de définir la féminité en la réduisant à la maternité, la violence, la santé et la diversité culturelle ? Dans une société libre et démocratique un groupe doit-il se laisser définir en fonction des seuls critères de l'agenda politico-social d'un groupe cherchant à l'asservir ? N'était-ce d'ailleurs pas une revendication féministe de la première heure que celle de l'émancipation féminine hors des critères masculins ? Pourquoi devrions-nous maintenant accepter que ce mouvement définisse la masculinité ?
[3] Voir les textes en ligne de Francine Descarries publiés sur le site de l'UQAC.
Voir aussi les liens suivants sur le site Labrys :
Émergence et développement des études féministes au Québec
[4] Daniel Descheneaux, « Le pouvoir des femmes, c'est le désir des hommes », citation # 46.