Burqa
par François Brooks
Commençons par distinguer les trois types de vêtements musulmans proprement féminins généralement désigné indifféremment sous le nom de tchador.
Burqa
(ou tchadri) recouvre tout le corps y compris la tête et le visage |
Niqab ne laisse que les yeux à découvert |
Hijab foulard qui laisse le visage à découvert |
Le hijab est un tchador qui rappelle le vêtement des religieuses chrétiennes. Lorsqu'il est porté par une musulmane en public, bien qu'il attire le regard et contraste avec les occidentales qui exhibent volontiers leurs charmes les plus intimes, il ne pose pas de problème d'identité. On peut d'ailleurs en trouver une variété appréciable de formes qui permettent largement une personnalisation féminine parfois attrayante.
Mais pour la burka et le niqab, il en va tout autrement.
Madame Badinter [1] expose brillamment le talon d'Achille de la liberté démocratique qui permet à un groupe d'utiliser son droit d'expression pour finalement briser une démocratie qui pourtant le protège. En parlant de peur, elle effleure aussi du bout des lèvres une question qui m'apparaît pourtant essentielle : Qui se cache sous la burqa d'une musulmane libre?
Nous vivons dans une société de droit où l'identité de l'individu est le tout premier outil de son application. C'est par l'identité que les policiers assurent l'ordre public. Celle-ci garantit en quelque sorte notre « solvabilité » sociale et permet une grande liberté individuelle. Chacun, sachant qu'il peut être identifié par le Léviathan pour ses méfaits, devient sociable par magie et s'abstient de gestes criminels, ou à tout le moins, garde un minimum de civilité. Nous serions autrement obligés d'instaurer d'autres dispositifs pour assurer notre sécurité.
Certains peuvent-ils alors s'arroger le droit de déambuler incognito? Et si notre liberté religieuse nous permet de vêtir notre visage, pourquoi ne porterions-nous pas tous masques et cagoules, affirmant appartenir au Grand ordre universel impersonnel? Dans une ville où la foule nous rend anonyme, celle qui cache son identité n'est-elle pas suspecte? Comment savoir si un homme armé ne se dissimule pas sous ce déguisement? Bref, sommes-nous en sécurité parmi des gens qui ont le loisir de cacher leur visage en public?
Plus encore, quel est l'état psychologique de la personne qui sait que rien ne peut lui être imputé? Peut-elle se sentir responsable? La liberté n'implique-t-elle pas la responsabilité? Que doit-on penser d'un culte qui permet à ses membres de cacher ses méfaits sous l'anonymat?
[1] Élisabeth Badinter, Adresse à celles qui portent volontairement la burqa, Le Nouvel Observateur © 9 juillet 2009, No2331. (Page consultée le 1er août 2009)
Après que les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont déclaré que les vêtements qui couvrent la totalité du corps et du visage ne relèvent pas du commandement religieux mais de la tradition, wahhabite (Arabie Saoudite) pour l'un, pachtoune (Afghanistan/Pakistan) pour l'autre, allez-vous continuer à cacher l'intégralité de votre visage? Ainsi dissimulée au regard d'autrui, vous devez bien vous rendre compte que vous suscitez la défiance et la peur, des enfants comme des adultes. Sommes-nous à ce point méprisables et impurs à vos yeux pour que vous nous refusiez tout contact, toute relation, et jusqu'à la connivence d'un sourire? Dans une démocratie moderne, où l'on tente d'instaurer transparence et égalité des sexes, vous nous signifiez brutalement que tout ceci n'est pas votre affaire, que les relations avec les autres ne vous concernent pas et que nos combats ne sont pas les vôtres. Alors je m'interroge : pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou afghanes où nul ne vous de mandera de montrer votre visage, où vos filles seront voilées à leur tour, où votre époux pourra être polygame et vous répudier quand bon lui semble, ce qui fait tant souffrir nombre de femmes là-bas? En vérité, vous utilisez les libertés démocratiques pour les retourner contre la démocratie. Subversion, provocation ou ignorance, le scandale est moins l'offense de votre rejet que la gifle que vous adressez à toutes vos sœurs opprimées qui, elles, risquent la mort pour jouir enfin des libertés que vous méprisez. C'est aujourd'hui votre choix, mais qui sait si demain vous ne serez pas heureuses de pouvoir en changer. Elles ne le peuvent pas... Pensez-y.
Elisabeth Badinter