par François Brooks
Voir aussi plus bas :
Réaction de Daniel Descheneaux et répliques de François Brooks
Suggestions constructives de Daniel
«Je ne suis pas d'accord pour prêter les ondes à ça et mes patrons ne me mettent pas de gun sur la tête. C'est un incitatif et ça peut attirer toutes sortes de zoufs à faire la même chose. C'est comme les suicides dans le métro, mieux vaut ne pas en parler. Ce n'est pas une question de censure, mais de bon jugement... » (Propos rapportés par Agnès Gaudet du Journal de Montréal, édition du 20 sept 2005, p.65)
En vous mettant au service de la diffusion de votre point de vue personnel – à savoir que les désespérés qui grimpent sur les ponts pour se faire entendre sont des « zoufs » qui ne méritent pas notre attention – comment pouvez-vous prétendre faire de l'information? Seize milles automobilistes sont bloqués dans la circulation et vous décidez qu'ils doivent se fier à votre jugement aveugle pour comprendre la situation!
Puisque vos patrons ne vous mettent pas de gun sur la tête, pourquoi ne pas faire parler Andy Srougi et essayer de faire comprendre à vos auditeurs son geste désespéré plutôt que d'alimenter par votre silence la haine de votre public pour un homme que l'on ne connaît même pas? Ne feriez-vous pas montre d'un meilleur jugement si vous faisiez confiance à votre public en le laissant exercer le sien sans votre intervention? N'avez-vous pas peur d'insulter votre auditoire en pensant à sa place?
Bon sang! Un homme a grimpé sur le pont et il va peut-être s'enlever la vie et vous n'êtes pas intéressé à connaître ses raisons? Ce phénomène contrariant se reproduit régulièrement – dans le métro ou sur le pont – et vous ne voulez pas lever le petit doigt pour l'éclaircir et régler le problème une bonne fois pour toutes? On a installé un imposant grillage pour empêcher ce genre d'incident sans succès. Pourquoi ne pas essayer de traiter la cause? N'y aurait-il pas d'autres solutions plus efficaces? Pensez-vous qu'Andy Srougi n'aurait pas préféré être ailleurs? Pensez vous qu'il prend plaisir à contrarier des milliers de personnes et essuyer leurs injures? Pensez-vous que ce père qui va affronter ensuite la justice ne préférerait pas utiliser d'autres moyens? Vous pensez vraiment qu'un père de 39 ans privé de ses enfants cherche le sensationnalisme? Les revendications de l'organisme international Fathers 4 Justice ne vous intéressent pas!?!
Bien sûr, avec votre cote d'écoute, monsieur Homier-Roy, vous n'êtes pas en peine pour trouver des gens à qui confier vos états d'âme. Un microphone vous attend tous les matins à Radio-Canada. Pourtant, avec la culture qu'on vous connaît, on s'étonne qu'avant d'animer C'est bien meilleur le matin, vous n'ayez pas pris le temps de méditer un peu Camus. Peut-être vous aurait-il donné l'occasion de mieux vous inspirer à savoir de quoi relève un « bon jugement » dans une telle occasion.
Dans le Mythe de Sisyphe, Albert Camus nous explique, dès la première ligne du premier chapitre qu'« il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. [...] ...on saisit l'importance de cette réponse puisqu'elle va précéder le geste définitif. Ce sont là des évidences sensibles au cœur, mais qu'il faut approfondir pour les rendre claires à l'esprit.
Si je me demande à quoi juger que telle question est plus pressante que telle autre, je réponds que c'est aux actions qu'elle engage. [...]
Des centaines de pères se sont suicidés sur le pont Jacques-Cartier et Andy Srougi a montré à ceux qui y songent une lueur d'espoir : On peut se servir de ce pont à un autre usage que l'autodestruction. En affichant son « Papa t'aime », Srougi crie haut et fort à tous les enfants et à leurs pères bafoués en justice qu'il ouvre la marche de l'amour et du refus de se détruire. C'est ça que vous voulez faire taire, monsieur Homier-Roy?
C'est dommage que vous ayez du même coup refusé d'ouvrir la porte à tous les pères qui sont derrière Srougi et qui savent dans leur cœur le « bon jugement » de Camus, souvent même sans l'avoir lu.
Si seulement vous aviez accepté d'ouvrir votre esprit et invité les « otages » du « zouf » à faire de même, peut-être la cuisante heure de pointe n'aurait pas été perdue pour tout le monde. Et qui sait si ce geste n'aurait pas contribué à l'écourter. Si seulement on lui avait tout de suite dit : « Vas-y mon gars, on t'écoute. T'en as gros sur la patate, il y a sûrement une raison, on va prendre ton cas au sérieux. » Bon sang!, cette histoire a été brillamment mise en scène dans le film Le grand chemin par Jean-Loup Hubert en 1987, ne me dites pas que vous ne l'avez pas vu! Chaque jour que la vie passe, il faut répondre à cette question fondamentale : À quoi bon? Votre position de communicateur ne vous donne-t-elle pas une responsabilité importante? Comment un père qui a perdu ses droits les plus fondamentaux à la paternité et qui n'est plus capable de répondre à cette question peut-il être considéré comme un criminel?
Srougi a eu le courage de répondre de manière non destructive : va-t-on l'aider à trouver sa place dans la société? Mais non! On l'a bluffé pour qu'il descende et on a fait fi de ses griefs. On a transformé un héraut qui a eu le courage de ne pas se suicider en criminel. Comment ce système de justice à deux visages peut-il encore prétendre être crédible? On bafoue les droits paternels, on ment effrontément à ceux qui revendiquent leurs droits les plus naturels et on voudrait que les pères croient en la justice et la démocratie?
* * *
Le Journal de Montréal titre « Des millions de dollars en pertes ». A-t-on chiffré aussi les pertes monétaires que représentent tous les pères anéantis ou suicidés? Si Srougi a contribué à donner de l'espoir et un souffle nouveau aux pères broyés par la machine juridique, j'aurais fort à parier qu'au bout du compte, la société sortira gagnante. Un père heureux avec ses enfants est un père productif pour la société.
Dieu merci, les esprits se sensibilisent. On a quand même fait quelques progrès depuis deux ou trois ans. Les médias ne prennent pas tous l'initiative de décider à la place de leurs auditeurs de ce qui est du sensationnalisme ou de l'information. Ce lundi, il n'y a pas eu mort d'homme et ceux qui auront profité de l'occasion pour réfléchir n'auront pas le sentiment d'avoir perdu leur temps.
* * *
Votre émission se met chaque matin au service des masses qui ont choisi de se coincer dans une circulation insensée et qui use la planète d'une manière éhontée. J'habite à l'entrée du pont Jacques-Cartier et je sais pertinemment qu'on le ferme régulièrement à tout bout de champ pour toutes sortes de raisons sans créer un tel tollé : feux d'artifice, entretien, accident et quoi encore. Si ça se trouve, ces quelques heures de répit amènent dans le quartier un peu de calme et rend l'air plus respirable. Les riverains sont loin de s'en plaindre, croyez-moi. J'ai même senti une certaine sérénité dans le voisinage pendant toute la journée. La rumeur motorisée avait fait place aux sympathiques chansons romantiques de ma voisine sur son balcon.
Les récriminations médiatiques ont donné une grosse voix aux 16000 automobilistes qui utilisent le pont à l'heure de pointe mais je serais curieux de compter combien de mes voisins ont apprécié la paix de lundi. On prétend qu'Andy Srougi a pris la population en otage alors que les automobilistes nous prennent en otage tous les jours sans qu'aucune accusation au criminel ne soit jamais portée contre personne.
Quelle est cette société où l'acharnement à exploiter et à polluer la planète a plus d'importance que les droits des pères à vivre en compagnie de leurs enfants et à les élever sainement dans le respect de l'honneur et de la vérité? Je n'ai aucune crainte face à nos enfants qui écriront l'Histoire de bien juger si Srougi a agi en héraut ou en irresponsable. Pour le moment, il est urgent de leur donner accès à leurs pères.
-----Message d'origine-----
De : Daniel Descheneaux
Envoyé : 22 septembre 2005 11:40
À : François Brooks
Objet : Re : Srougi et le « bon jugement » d'Homier-Roy
Bonjour François
J'ai lu ton texte avec intérêt, comme toujours. Je me range un peu du côté de
la presse qui refuse de donner un forum gratuit à tous les terroristes qui sont
prêts à tout pour avoir l'attention que leur cause mérite selon eux. Ils
sont sûrement légion!
Le chef de pupitre qui décide de l'importance d'une nouvelle a un pouvoir et
une responsabilité terrible. Heureusement, il y a plusieurs journaux et
stations de télé. On peut donc avoir l'opinion de l'importance d'une nouvelle
selon plusieurs personnes.
Si monsieur Homier-Roy choisit ses propres nouvelles, il a ce pouvoir. Plus il
est écouté, plus il a d'influence. Mais pourquoi est-il écouté? Parce qu'il
choisit des nouvelles qui intéressent? Peut-être.
Je plonge, et je te donne mes commentaires...
Daniel
>2005-09-21
> Srougi et le « bon
jugement » d'Homier-Roy
>par François Brooks
>«Je ne suis pas d'accord pour prêter les ondes à ça et mes patrons ne me
mettent pas de gun sur la tête. C'est un incitatif et ça peut attirer toutes
sortes de zoufs à faire la même chose. C'est comme les suicides dans le métro,
mieux vaut ne pas en parler. Ce n'est pas une question de censure, mais de bon
jugement... »
>
> (Propos rapportés par Agnès Gaudet du Journal de Montréal, édition du 20
sept 2005, p.65)
>
>En vous mettant au service de la diffusion de votre point de vue personnel –
à savoir que les désespérés qui grimpent sur les ponts pour se faire entendre
sont des « zoufs » qui ne méritent pas notre attention – comment pouvez-vous
prétendre faire de l'information? Seize milles automobilistes sont bloqués dans
la circulation et vous décidez qu'ils doivent se fier à votre jugement aveugle
pour comprendre la situation!
C'est sa décision, comme je disais. Les journalistes qui ont un mauvais jugement et ne sont pas intéressants ne gardent pas leur job longtemps. Homier-Roy est là depuis longtemps, je crois. Et pourquoi "aveugle" ? Il est con, c'est bien documenté? ;)
Nous sommes donc d'accord pour reconnaître que le silence médiatique d'Homier-Roy sur cet événement et les suicides montre qu'il est au service de sa cote d'écoute (sauver sa job) et non, comme il le prétend, du noble dessein de l'information.
>Puisque vos patrons ne vous mettent pas de gun sur la tête, pourquoi ne pas faire parler Andy Srougi et essayer de faire comprendre à vos auditeurs son geste désespéré plutôt que d'alimenter par votre silence la haine de votre public pour un homme que l'on ne connaît même pas? Ne feriez-vous pas montre d'un meilleur jugement si vous faisiez confiance à votre public en le laissant exercer le sien sans votre intervention? N'avez-vous pas peur d'insulter votre auditoire en pensant à sa place?
Non. C'est précisément sa job, et sa décision.
... De penser à notre place pour sauver sa job? Ah bon!
>Bon sang! Un homme a grimpé sur le pont et il va peut-être s'enlever la vie et vous n'êtes pas intéressé à connaître ses raisons? Ce phénomène contrariant se reproduit régulièrement – dans le métro ou sur le pont – et vous ne voulez pas lever le petit doigt pour l'éclaircir et régler le problème une bonne fois pour toutes? On a installé un imposant grillage pour empêcher ce genre d'incident sans succès. Pourquoi ne pas essayer de traiter la cause? N'y aurait-il pas d'autres solutions plus efficaces? Pensez-vous qu'Andy Srougi n'aurait pas préféré être ailleurs? Pensez vous qu'il prend plaisir à contrarier des milliers de personnes et essuyer leurs injures? Pensez-vous que ce père qui va affronter ensuite la justice ne préférerait pas utiliser d'autres moyens? Vous pensez vraiment qu'un père de 39 ans privé de ses enfants cherche le sensationnalisme? Les revendications de l'organisme international Fathers 4 Justice ne vous intéressent pas!?!
Il y a aussi eu un "cosmologiste" amateur qui a sorti (de son trou de cul, disons-le) une théorie de l'origine de l'univers. Il est grimpé sur le pont parce que la communauté scientifique ne le respectait pas... il y a 2 ou 3 ans, je pense.
Peut-on comparer cet incident à celui parrainé par un organisme international bien organisé qui représente des millions de pères dont les droits sont bafoués dans le monde?
Je veux dire par là que toutes les causes ne sont pas bonnes. Utiliser des mauvaises méthodes pour une bonne cause n'est pas une solution.
Alors, quelle méthode devrait donc utiliser Fathers 4 Justice? Comme tu sais, ces problèmes existent depuis plus de 30 ans. En avais-tu entendu parler avant? Et quelles sont les mesures sociales prises pour les régler? Certains ont épuisé tous les recours. Quatre hommes se suicident au Québec chaque jour (contre une seule femme). Nous avons le taux de suicide le plus élevé au monde. Les médias restent honteusement silencieux. (As-tu vu le documentaire « Machine à broyer les hommes » de Serge Ferrand?) Les médias rapportent au quotidien toutes sortes de faits divers sans importance pour l'ensemble de la population. Quand un avion risque seulement de s'écraser, ça fait la une. L'équivalent de trois Boeing 747 pleins à craquer s'écrasent sans aucun survivant chaque année au Québec et on recommande de taire ces « cas isolés ». Quand l'avion de la Swiss Airlines s'est écrasé en 1998 sur la côte Atlantique causant la mort de 229 personnes, on a fait une enquête exhaustive qui a duré plusieurs années pour en découvrir les causes et chercher à les contrer. Pourquoi ne donne-t-on pas autant d'attention aux hommes qui se suicident? L'argument classique veut que ce soit pour éviter l'effet de contagion. Mais justement, si le phénomène est si répandu et qu'il y a encore plus d'hommes isolés prêt à rejoindre les rangs des suicidés, n'y a-t-il pas urgence de parler pour en approfondir les causes? Homier-Roy ne joue-t-il pas à l'autruche en bloquant l'accès à un précieux porte parole?
Le féminisme a apporté des bouleversements sociaux comme l'histoire de l'humanité n'en avait jamais vu. Fathers 4 Justice est un mouvement qui se propose de sensibiliser la population sur certains de ces bouleversements, tout comme Green Peace l'a fait pour l'écologie. Ce mouvement n'est pas le fait de quelques illuminés. Bien que leurs membres soient impliqués personnellement dans des problèmes de paternité liés aux écueils féministes, ils représentent bien plus que leurs petits intérêts personnels.
Ces problèmes se répercutent à toutes les échelles de la société – y compris les ponts bloqués – et il ne faudrait pas en parler ni aller en profondeur?!? Nous allons bientôt affronter les problèmes démographiques que cause la dénatalité. Pourquoi donc une société choisit-elle de ne plus se reproduire? Toi qui as choisi de ne jamais devenir père, tu dois en savoir quelque chose ; quelles sont tes raisons personnelles? Savais-tu que ton choix – ajouté à celui de milliers d'hommes au Québec – va tout probablement impliquer que tu ne puisses prendre ta retraite avant l'âge de 75 ans, sinon peut-être jamais? (As-tu lu le dossier « La retraite progressive » dans la revue de la Caisse Pop « Mes Finances » ce mois-ci?)
Il y a quelques années, une campagne anti-censure a eu lieu sur Internet. Les gens mettaient un ruban sur leur site pour protester un projet de loi. Un journaliste a écrit un article expliquant qu'il y avait déjà un mécanisme de lobbying en place à Washington, et que mettre des petits rubans sur des petites pages web n'allait rien changer : les gens qui prennent la décision ne sont pas influencés par les petits rubans, et ne visitent pas les pages web d'amateurs. J'ai bien retenu la leçon : on peut chialer contre le système, ou obtenir ce qu'on veut.
>Bien sûr, avec votre cote d'écoute, monsieur Homier-Roy, vous n'êtes pas en peine pour trouver des gens à qui confier vos états d'âme. Un microphone vous attend tous les matins à Radio-Canada. Pourtant, avec la culture qu'on vous connaît, on s'étonne qu'avant d'animer C'est bien meilleur le matin, vous n'ayez pas pris le temps de méditer un peu Camus. Peut-être vous aurait-il donné l'occasion de mieux vous inspirer à savoir de quoi relève un « bon jugement » dans une telle occasion.
Pas par hasard. Il l'a gagné et conservé, son poste. Prêtons-lui un peu de compétence, au moins pour la forme.
>Dans le Mythe de Sisyphe, Albert Camus nous explique, dès la première ligne
du premier chapitre qu'« il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux
: c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue,
c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. [...] ...on saisit
l'importance de cette réponse puisqu'elle va précéder le geste définitif. Ce
sont là des évidences sensibles au cœur, mais qu'il faut approfondir pour les
rendre claires à l'esprit.
>Si je me demande à quoi juger que telle question est plus pressante que
telle autre, je réponds que c'est aux actions qu'elle engage. [...]
Je crois qu'il y aura toujours des gens prêts à "mourir pour des idées", ce qui ne confirme pas la valeur de l'idée.
Il ne s'agit pas ici de mourir pour ses idées ou de quelque fanatisme que ce soit. Voilà bien l'erreur de jugement qu'Homier-Roy suggère à ses auditeurs. Ce serait plutôt le contraire : trouver l'idée qui va nous pousser à vivre. Camus parle de motivation à vivre. Mais peut-être la question « À quoi bon? » ne t'est-elle jamais passée par l'esprit... heureux sois-tu!
En 1789, on avait immolé le Roi, ensuite le clergé et maintenant c'est au tour du Père. Suite à la mort de Dieu et des structures hiérarchiques symboliques qui en découlaient, Camus a eu le génie de proposer une réflexion en profondeur sur cette question fondamentale. Certains hommes, dont je suis, pensent que le consumérisme actuel n'offre pas une réponse suffisante au « À quoi bon? » soulevé par Camus. Chaque suicide repose cette question et on peut y réfléchir de façons diverses. Mais le fait que ce geste au Québec soit maintenant l'apanage des hommes (avant 1970, c'était les femmes qui se suicidaient en majorité) dont la moitié sont reconnus avoir eu des problèmes matrimoniaux dans les 12 mois qui ont précédé le malheureux geste, est pour moi un indicateur précieux dont il faut parler et chercher une solution.
>Des centaines de pères se sont suicidés sur le pont Jacques-Cartier et Andy Srougi a montré à ceux qui y songent une lueur d'espoir : On peut se servir de ce pont à un
autre usage que l'autodestruction. En affichant son « Papa t'aime », Srougi
crie haut et fort à tous les enfants et à leurs pères bafoués en justice qu'il
ouvre la marche de l'amour et du refus de se détruire. C'est ça que vous voulez
faire taire, monsieur Homier-Roy?
>C'est dommage que vous ayez du même coup refusé d'ouvrir la porte à tous
les pères qui sont derrière Srougi et qui savent dans leur cœur le « bon jugement
» de Camus, souvent même sans l'avoir lu.
>
>Si seulement vous aviez accepté d'ouvrir votre esprit et invité les «
otages » du « zouf » à faire de même, peut-être la cuisante heure de pointe
n'aurait pas été perdue pour tout le monde. Et qui sait si ce geste n'aurait
pas contribué à l'écourter. Si seulement on lui avait tout de suite dit : «
Vas-y mon gars, on t'écoute. T'en as gros sur la patate, il y a sûrement une
raison, on va prendre ton cas au sérieux. » Bon sang!, cette histoire a été
brillamment mise en scène dans le film Le grand chemin par Jean-Loup Hubert en
1987, ne me dites pas que vous ne l'avez pas vu! Chaque jour que la vie passe,
il faut répondre à cette question fondamentale : À quoi bon? Votre position de
communicateur ne vous donne-t-elle pas une responsabilité importante? Comment
un père qui a perdu ses droits les plus fondamentaux à la paternité et qui
n'est plus capable de répondre à cette question peut-il être considéré comme un
criminel?
Le sénateur Jacques Hébert a fait une grève de la faim pour protester la fermeture de Katimavik. Le geste était noble, la cause irréprochable. Et si Ottawa avait cédé, il y aurait une grève de la faim par semaine pour une cause toute aussi importante pour le gréviste, depuis ce jour-là.
Dois-je en conclure que tu réprouves le geste de Jacques Hébert? Je sais que Katimavik est l'événement le plus significatif de ton passage de l'enfance à l'âge adulte. Bien sûr, Jacques Hébert était seul dans son combat ; il l'a perdu. Ceci ne démontre pourtant pas qu'il avait tort, tu le reconnais. N'est-ce donc pas la preuve qu'il faut s'unir pour revendiquer une noble cause? La cause des pères n'est-elle pas noble? C'est donc maintenant qu'il faut choisir si nous devons nous solidariser d'Andy Srougi ou non. Choisir de nous taire, ou pire, choisir de le taire, comme Homier-Roy l'a fait, n'est-ce pas nous rendre complice de tous les suicides silencieux de pères qui pensent avoir épuisé tous les recours face à un système de justice qui, comme chacun sait, veut continuer à ne pas légiférer pour ainsi grossir le volume des causes qui fait vivre une armée d'avocats et de juges à même le pain enlevé de la bouche des enfants de ce pays. Étant ainsi privés des ressources paternelles dont ils auraient tellement besoin pour grandir et s'épanouir sainement, comment croire les magistrats qui prétendent agir dans le meilleur intérêt des enfants contre lesquels ils protègent leur chasse gardée? Les revendications de Fathers 4 Justice contiennent, entre autre, la mise sur pied d'une loi qui statuerait de la garde partagée automatique en cas de divorce. Mais ceci priverait le barreau d'une manne énorme. Plus de cause pour droits de garde et de visites à débattre. La loi aurait tranché. Voilà bien le principal enjeu qu'Homier-Roy découvrirait s'il acceptait de sortir sa tête du sable et par le fait même celle de ses auditeurs.
>Srougi a eu le courage de répondre de manière non destructive : va-t-on
l'aider à trouver sa place dans la société? Mais non! On l'a bluffé pour qu'il
descende et on a fait fi de ses griefs. On a transformé un héraut qui a eu le
courage de ne pas se suicider en criminel. Comment ce système de justice à deux
visages peut-il encore prétendre être crédible? On bafoue les droits paternels,
on ment effrontément à ceux qui revendiquent leurs droits les plus naturels et
on voudrait que les pères croient en la justice et la démocratie?
>
>* * *
>
>Le Journal de Montréal titre « Des millions de dollars en pertes ». A-t-on
chiffré aussi les pertes monétaires que représentent tous les pères anéantis ou
suicidés? Si Srougi a contribué à donner de l'espoir et un souffle nouveau aux
pères broyés par la machine juridique, j'aurais fort à parier qu'au bout du
compte, la société sortira gagnante. Un père heureux avec ses enfants est un
père productif pour la société.
Si une ambulance avait été coincée sur le pont et que quelqu'un était mort? Juste une idée qui me vient à l'esprit, comme çà. Est-ce que ce serait acceptable? La loi dit "Il n'y a aucun accident pendant qu'on commet un crime."
D'abord, le pont était libre de toute circulation. En cas d'urgence, une ambulance aurait passé plus rapidement que jamais. Ensuite, ce n'est pas Andy Srougi qui a bloqué le pont, mais une mesure prise par la SQ. Srougi est un alpiniste. On aurait très bien pu ne pas bloquer la circulation comme on le fait lorsqu'il y a des travaux sur ce pont. Il était le premier surpris qu'on le fasse sur une si longue période. Il s'attendait d'ailleurs à y rester quelques jours pensant que la circulation aurait continué et voulant profiter de cet achalandage pour promouvoir la cause des pères.
Je m'amuse souvent de constater à quel point le jugement d'un humain se distorsionne face à ce qu'il considère essentiel et qui n'est souvent qu'une addiction qu'il s'est créé librement. Ce pont peut être bloqué à tout moment pour toutes sortes de raisons. C'est d'ailleurs un phénomène fréquent quelle que soit le pont ou l'autoroute empruntée. De nos jours, l'automobiliste doit vivre quotidiennement la frustration des ralentissements dans ses déplacements. Cette frustration réprimée a trouvé un exutoire idéal lundi matin : « Srougi au pilori! » ou encore : « Poussez-le donc quelqu'un! qu'on en finisse! » Mais doit-on s'arrêter à ces réactions primaires? Devrions-nous dire – comme l'ont rapporté certains journalistes – qu'Andy Srougi mérite la prison à perpétuité si on arrive à démontrer qu'une seule personne est morte dans la journée parce qu'elle devait passer par le pont Jacques-Cartier pour se rendre à l'hôpital? N'est-il pas évident que ceux qui réfléchissent ainsi sont aveuglés par leur automobile et l'importance démesurée qu'il lui ont donnée dans leur vie de tous les jours? Avec une logique comme celle-là, n'est-on pas en train de dérailler? Doit-on déresponsabiliser chacun de ses propres choix et des risques inhérents qui en découlent pour se décharger sur un bouc émissaire? Si la circulation était si vitale pourquoi a-t-on décidé de fermer le pont? Ne pourrions-nous pas alors nous en prendre à la SQ?
>Dieu merci, les esprits se sensibilisent. On a quand même fait quelques
progrès depuis deux ou trois ans. Les médias ne prennent pas tous l'initiative
de décider à la place de leurs auditeurs de ce qui est du sensationnalisme ou
de l'information. Ce lundi, il n'y a pas eu mort d'homme et ceux qui auront
profité de l'occasion pour réfléchir n'auront pas le sentiment d'avoir perdu
leur temps.
>
>* * *
>
>Votre émission se met chaque matin au service des masses qui ont choisi de
se coincer dans une circulation insensée et qui use la planète d'une manière
éhontée. J'habite à l'entrée du pont Jacques-Cartier et je sais pertinemment
qu'on le ferme régulièrement à tout bout de champ pour toutes sortes de raisons
sans créer un tel tollé : feux d'artifice, entretien, accident et quoi encore.
Si ça se trouve, ces quelques heures de répit amènent dans le quartier un peu
de calme et rend l'air plus respirable. Les riverains sont loin de s'en
plaindre, croyez-moi. J'ai même senti une certaine sérénité dans le voisinage
pendant toute la journée. La rumeur motorisée avait fait place aux sympathiques
chansons romantiques de ma voisine sur son balcon.
>
>Les récriminations médiatiques ont donné une grosse voix aux 16000 automobilistes
qui utilisent le pont à l'heure de pointe mais je serais curieux de compter
combien de mes voisins ont apprécié la paix de lundi. On prétend qu'Andy Srougi a pris la population en otage alors que les automobilistes nous prennent en otage
tous les jours sans qu'aucune accusation au criminel ne soit jamais portée
contre personne.
Ne mêlons pas deux problèmes. Oui l'auto est un mal.
Mais une personne a nui, gravement, toute la journée, à des dizaines
de milliers d'autres personnes. La cause est sans doute noble, mais le
geste ne l'est pas. Est-ce que la fin justifie les moyens? Et si la prochaine
grimpeuse de pont était une féministe? Un néo-nazi? Un Raélien?
Ne pas mêler les problèmes? Mais où sont donc tous les gens qui participent à cette société quand un père se suicide? Comment les rejoindre alors qu'ils sont tous au volant de leur préoccupation principale : la circulation? Si je comprends bien, il faudrait attendre gentiment que la population s'assoie et nous dise : « Bon, je vous écoute, je suis maintenant disponible, allez, Papa, dites-moi ce qui vous préoccupe ». Mais qui donc accepte de prêter sa tribune médiatique à ce problème? Quand on en parle, les ténors féministes font taire et humilient les hommes. Chacun sait, qu'il n'y a pas de meilleur moteur que le sentiment d'urgence. Comment Fathers 4 Justice pourrait-il se faire entendre autrement? Chacun vit dans son petit monde et choisit de se fermer aux autres dans une société individualiste du quant à soi. Nomme-moi une seule cause louable et censurée qui s'est réglée sans casser quelques œufs. Si ça se trouve, la position d'Homier-Roy légitime davantage le geste de Srougi. On se demande jusqu'où il faudra aller pour qu'Homier-Roy sorte la tête du sable. D'où ma thèse qu'il faut un sacré courage pour se faire entendre alors qu'un suicide silencieux serait beaucoup plus commode. On se demande si à 65 ans, Homier-Roy – qui est d'une autre génération – n'est pas un peu dépassé par les événements et incapable de les comprendre.
Tu soulignes le fait que Srougi était une personne dérangeant des milliers d'autres. Voilà bien le « bon jugement » d'Homier-Roy qui, mal documenté et la tête dans le sable, ne sait pas qui est Fathers 4 Justice. Il ne veut pas que ses auditeurs le sachent et persiste dans son ignorance. Fathers 4 Justice est un organisme international représentant tous les pères divorcés ou séparés qui ont des problèmes à faire valoir leurs droits naturels d'exercer leur paternité. Suite aux gains énormes que les féministes ont procuré aux femmes, les pères ont maintenant besoin de protection contre les débordements de cette idéologie qui a favorisé le fait que de nombreux pères soient broyés dans le système juridique. Habituellement, on a recours à un avocat et un juge pour faire défendre nos droits. Mais s'ils sont bafoués, à qui donc avoir recours? Quand la justice ne l'est plus à qui d'autre s'adresser sinon au peuple par le moyen des médias?
Du temps du Troisième Reich, on avait promulgué une loi pour exterminer les Juifs. Une loi parfaitement légale avait enlevé à une partie de la population le droit de vivre sans que personne ne s'y oppose. Il aurait été d'ailleurs malvenu de la dénoncer à cette époque, mais par leur silence, ceux qui savaient se faisaient complices. Fathers 4 Justice dénonce aujourd'hui un débordement semblable qui, non seulement démotive à devenir père, mais conduit de plus en plus souvent au suicide. L'information responsabilise. Homier-Roy préfère-t-il ignorer pour avoir l'esprit tranquille? On peut questionner le mouvement et choisir l'opinion qui nous convient selon notre situation personnelle. Mais refuser de porter cette cause sur la place publique n'est rien de moins que de la censure. À ce titre, Homier-Roy devient complice parce qu'il a choisi de fermer les yeux. Un animateur qui prétend informer a une grosse responsabilité : il doit faire preuve de jugement. Je l'invite à se repositionner.
D'ailleurs, tu serais surpris de constater combien sont nombreux sont ceux qui approuvent la cause des pères et le geste de Srougi. Dans mon milieu de travail, aucun ne l'a condamné. Et plus de la moitié l'ont approuvé. Comment peut-on penser que les médias matinaux qui orchestrent la circulation donnent une image juste de l'opinion publique qu'ils influencent s'ils filtrent l'information qui s'y rapporte?
>Quelle est cette société où l'acharnement à exploiter et à polluer la planète a plus d'importance que les droits des pères à vivre en compagnie de leurs enfants et à les élever sainement dans le respect de l'honneur et de la vérité? Je n'ai aucune crainte face à nos enfants qui écriront l'Histoire de bien juger si Srougi a agi en héros ou en irresponsable. Pour le moment, il est urgent de leur donner accès à leurs pères.
Ton ami,
Dan.
Merci à toi Daniel de me donner l'occasion d'approfondir ce débat.
François.
-----Message d'origine-----
De : Daniel Descheneaux
Envoyé : 22 septembre 2005 11:40
À : François Brooks
Objet : Re : Srougi et le « bon jugement » d'Homier-Roy
Bonjour François,
Je vais répondre rapidement (dans un premier temps) en résumant mon point de
vue, et ensuite adresser chacun de tes points dans mon prochain message.
Si le but de ta lettre ouverte est de poser la question, «Est-ce que Homier-Roy
aurait dû laisser parler Srougi? », il y a beaucoup, peut-être trop,
d'idées connexes dans la lettre :
1 - Le problème de l'automobile (puisqu'il s'agit d'automobilistes qui ont été
dérangés).
2 - La responsabilité du journaliste (Informer ou divertir? Ombudsman ou
clown?).
3 - L'importance de la cause comme justificatif du geste.
4 - Le suicide masculin.
5 - L'effet du féminisme sur la famille.
Le problème de fond est, certes, un problème de société, donc très large. Tu es
bien informé sur les nombreux aspects du problème, ça se voit à chaque
paragraphe. Mais selon moi, l'idée centrale se perd, diluée parmi les
autres.
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Depuis plusieurs mois, je pratique la brièveté selon Boileau dans « Tout
va bien? » :
« Vingt fois sur le métier remettez votre
ouvrage:
Polissez-le sans cesse et le repolissez;
Ajoutez quelquefois, et souvent
effacez. »
Je me fais violence à chaque fois que je rapporte une nouvelle importante en
plus de cinq paragraphes - l'un d'eux doit mourir! Les (nombreux, importants!)
détails sont supprimés sans pitié.
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Pour répondre à « Qu'est-ce que les masculistes peuvent faire? »,
voici mon opinion : il faut utiliser le système.
Les féministes, en trente ans de travail acharné, s'y sont solidement
installées, et elles ont atteint leur but sans coups d'éclat vite oubliés.
Tony Robbins dit, « Le succès laisse des traces ». Les
féministes radicales ont eu du succès, c'est indéniable. Elles ont des milliers
d'organismes de soutien, des millions en subventions, un ministère.
Il faut observer comment elles ont fait, et faire de même. Pas réinventer la
roue.
1- Rassembler les hommes en détresse - les compter!
2- Fonder des organismes locaux.
3- Écrire un manuel sur comment fonder un groupe de soutien.
4- Organiser des activités d'information.
5- Publier des communiqués de presse.
6- Intéresser des vedettes à devenir porte-parole.
7- Payer des comptables et des avocats pour faire la paperasse - il faut une
véritable expertise pour être OSBL et recevoir des subventions.
8- Collecter de l'argent pour payer ces professionnels
indispensables.
9- Faire des sites web clairs (garscontent est illisible : si le fond est
bon, la forme est exécrable, et il est impossible de le prendre au sérieux) Un
visiteur doit trouver facilement les statistiques que tu cites. Nommer vos
sources pour être irréfutables.
Le « mème-space » de notre culture est déjà surpeuplé : il faut
travailler fort et longtemps pour y introduire une nouvelle idée.
Si tant d'hommes sont affectés, il y a donc un pouvoir qui ne demande qu'à être
organisé.
Ceux qui sont en détresse en ce moment ne peuvent peut-être pas faire
grand-chose ; c'est donc aux autres qui sont concernés à se préparer à les
aider.
Comme un sauveteur qui prend sa qualification - il y a des gens qui se noient à
toutes les minutes, pendant qu'il prend son cours!
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Je me relis, une heure après avoir commencé ce court paragraphe que je
t'envoyais en attendant - dur, la brièveté ;)
Ton ami
Dan.
PS : une bonne marche serait à propos!