À quoi reconnaît-on un véritable philosophe praticien ? La philosophie en tant que pratique, est une activité professionnelle toute nouvelle. Elle est pourtant aussi vieille que l'Antiquité, mais elle a été confisquée par les institutions qui en ont fait un objet de connaissance intellectuelle. Marc Sautet, Lou Marinoff, Oscar Brenifier et plusieurs autres ont ouvert une nouvelle voie, ou devrais-je dire, amorcé un retour aux sources. Chacun apporte sa pierre à l'édifice, mais qu'y a-t-il d'original chez Laurence Bouchet ? Elle apporte au philopraticien une vision incontournable en proposant deux objets de maîtrise : les compétences (savoir-faire) et les attitudes (savoir-être). Davantage que la seule proposition d'ouvrir la philosophie au grand public, elle énonce les qualités essentielles de tout philopraticien : maîtriser 8 compétences... (p. 37-42)
... et savoir exercer 8 attitudes (p. 42 et 279)
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La conquête de soi passe par la connaissance de soi qui passe par le regard des autres. Nous voulions être chéris, adulés, appréciés, mais voilà que le regard des autres nous déshabille et nous scrute sous l'intense lumière crue de leur jugement. Chacun choisit d'éclairer la partie sombre de l'autre comme pour projeter hors de soi ce qu'il déteste voir en soi-même. Se livrer à un tel exercice comporte une si grande part d'inconfort qu'il faut escompter des gains énormes pour s'y engager. On y trouve une vitalité exceptionnelle ; différence entre une vie passive à fuir les zones obscures et la liberté qui consiste à mordre dans la vie à pleines dents. Pratiquer la philosophie, c'est s'engager, et pour cela nulle recette, nul modèle à copier. C'est s'avancer en soi-même, être prêt à se perdre, à se distancier de soi pour mieux se trouver (p. 262 et 263). Petit à petit, au contact de ce qui est autre, nous nous transformons nous-mêmes, nous acquérons un savoir-faire en même temps qu'un savoir-être, nous dessinons nos propres contours, nous nous sculptons nous-même. On comprend dès lors pourquoi la connaissance de soi, dans la pratique philosophique, ne passe pas par une narration de soi, comme cela se fait par exemple en psychanalyse. La narration ou le récit de soi ne permettent pas en général de sortir du système de représentation de nous-même que nous avons construit pour nous protéger de la réalité et la fuir. La pratique philosophique, par la modalité de son questionnement, ouvre au contraire une brèche dans ce système en nous permettant de l'observer d'un point de vue extérieur. Ainsi Socrate aidait-il ses interlocuteurs à mieux se connaître sans jamais leur demander de raconter leur vie. La première chose qu'il faisait consistait à les débarrasser de leur savoir illusoire afin de les faire accoucher d'eux-mêmes, de mettre au jour, derrière la couche épaisse des préjugés, un être à la fois plus simple, plus authentique et plus libre (p. 221 et 222). |
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