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Impasses du consulté

Réflexion suite à la journée de formation à la consultation philosophique du 4 juin 2005 avec le Dr Oscar Brenifier.

par François Brooks

1. Première impasse : Ne pas conseiller

Même si je pouvais cerner le besoin du client dès la première question, j'ai les mains liées par un cirque de résistances. Il va s'opposer à raison aussitôt qu'il sentira l'attitude directive traditionnelle consistant à « dispenser des conseils au client venu consulter un "sage" ».

Notre expérience a montré si souvent les erreurs d'« experts » par ignorance, prétentions non fondées ou conflit d'intérêts (voir Descartes). Nous érigeons instinctivement un mur destiné à nous protéger, mais qui paradoxalement nous isole. Nous posons l'« expert » d'emblée comme un charlatan : le sorcier du village imbu de lui-même, assoiffé de pouvoir et d'argent. Ne faut-il pas se méfier ?

Pour contourner ce premier obstacle il faut d'abord se montrer au service du client, s'assurer que la consultation peut lui être profitable. Il doit se servir de nous, non pas pour obtenir des conseils – toujours inefficaces – mais devenir lui-même son propre expert-conseil en se servant du consulté.

La première impasse consiste donc à surmonter l'idée que le « conseil » serait une marchandise utilisable comme la pièce de remplacement. Le conseil ne peut être donné ou vendu. J'offre les outils et montre les consignes d'utilisation, mais le client doit faire le travail. Il sait mieux que personne ce dont il a besoin.

2. Deuxième impasse : Mon approche limitée

 Une multiplicité d'écoles s'offre, mais chacune comporte forces et limites. S'il m'a choisi pour s'éclairer, le consulteur accepte mon approche. Mais il va peut-être me reprocher les limites de ma pratique. Je dois trouver le moyen de rester confortable avec le fait de ne pas être le Superman qu'il cherche et lui faire voir que s'il se sert adroitement des outils mis à sa disposition il découvrira bientôt en lui-même le puissant levier de transformation recherché. Mais qui veut être transformé ? Ne veut-on pas être accepté tel que l'on est ?

3. Troisième impasse : Le double moi du client et mon double

Mais alors, ne pourrait-il pas, par quelque moyen que ce soit, m'éliminer de son parcours pour accéder à lui-même ? Ne suis-je pas un obstacle sur son chemin. En fait, chaque personne se dédouble aussitôt qu'elle est perçue par l'autre. (Voir l'être-vu de Sartre.) Elle se connaît bien de l'intérieur de son « vaisseau corporel », mais elle ne sait plus qui elle est aussitôt qu'elle se transforme en image perçue. La question du « connais-toi toi-même » de Socrate se dédouble ainsi en « qui suis-je pour l'autre ? ». La prise de contact nous amène à vivre la fissure identitaire. Je sais qui je suis ; j'habite ce corps depuis tant d'années ! Pourtant lorsqu'on me rencontre je suis un tout autre personnage puisqu'on me renvoie une image méconnaissable de moi-même.

Lors d'une consultation philosophique nous n'avons pas deux, mais bien quatre personnes en présence. Le client ne perçoit que l'image qu'il se fait de moi et moi de même pour lui. Pour accéder à lui-même, trois personnes doivent disparaître.