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160905 |
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Sous les jupes des filles |
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Petite fille encore, étendue sur l'herbe, Baia se concentre sur la photo qu'elle va prendre. Sa jupe de dentelle noire révèle juste assez des formes
encore potables, et cache à peine les 49 ans d'une peau défraîchie. Clic !
Je croque l'image.
« T'as photographié sous ma jupe !? »
Mi-reproche, mi-question ; ai-je encore ce qu'il faut pour séduire ?
semble-t-elle dire.
Pourtant, mon attention est ailleurs. Je me réjouis de la ravissante petite Alice qui s'émerveille de ce magnifique jardin de
verdure qu'elle s'évertue à stocker dans sa boîte à images. Elle est simplement mignonne ;
trop jeune et trop vieille pour m'érotiser, mais elle éveille ma tendresse. La lucidité de Souchon me sortit de cette maladresse.
Alors pourquoi le regard des garçons procède-t-il toujours ainsi ?
Toujours, la magie opère : avant de regarder le visage, je commence par voir si la forme du cul vaut le détour.
Certaines savent si bien valoriser leur égout. Si les femmes marchaient sur les mains, cul nu — la jupe voilant le visage — on comprendrait que
Voltaire
a tout dit sur l'amour.
Le bouillant débat entourant le hijab en Occident illustre à mon sens l'importance du voile. Sans voile, l'esprit est inopérant, on n'y voit que
l'organe fonctionnel et dégoutant. Le burkini est mille fois plus érotique. C'est la none qu'on veut déshabiller ;
la pute nous laisse indifférents. Le défilé de mode de
Hussein Chalayan
(1998) a montré l'évidence.
Marjane Satrapi [2] déclare n'avoir jamais tant fêté, bu et dansé qu'à Téhéran sous un régime d'interdictions qui stimule évidemment le désir. Sous le manteau, on peut tout acheter ; la censure n'empêche rien, au contraire.
L'islam nous oblige à examiner plus attentivement notre attitude paradoxale.
Contrairement à ce que l'on croit, n'apportait-il pas finalement un surplus d'érotisme dans un Occident
saturé de sexe ?
Au bout du compte, le voile islamique nous oblige à prendre conscience que dans une société misant tout sur le visuel, l'érotisation se fait au prix de la privation du regard. |
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[1] Alain Souchon, C'est déjà ça, Parlophone © 1993. [2] Marjane Satrapi est l'auteur de Persepolis, © 2007.
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