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Nathalie Destexhe |
2004-07-07 |
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Propriétaire belge d'une petite Chinoise |
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Fort choquée de votre texte |
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Monsieur, Je viens a l'instant de terminer la lecture de votre texte « Chinoises à vendre » et j'en suis fort choquée. Nous avons nous même adopté une petite fille en Chine qui nous comble de joie. Comment vous permettez-vous de juger les personnes qui adoptent !!!!!!!! L'adoption est fort onéreuse mais il n'y a pas de zone d'ombre : frais de dossiers, frais administratifs, frais de séjour et aussi un don à l'orphelinat et dans les frais de transports on parle bien entendu de notre billet d'avion et non celui de l'enfant. Pour parler de la grandeur d'âme des gens qui sont stériles et qui adoptent, vous ne devez sûrement pas être dans le cas et devez être bien mal placé pour juger ces personnes. Je n'ai pas honte d'avoir adopté ma fille elle nous comble de joie et de bonheur et c'est NOTRE FILLE et malgré ce que vous pensez nous ne l'avons pas achetée, et nous n'avons pas d'avantages importants comme vous pensez à part le fait que notre avantage est de la voir sourire tous les matins et de nous appeler Maman et Papa. Bien à vous Destexhe Nathalie ---------------------------------------------- 2004-11-07 Bonjour, Madame Destexhe Je vous remercie d'avoir visité Philo5 et de votre réaction au texte « Chinoises à vendre ». Je suis d'accord avec vous pour reconnaître que vous êtes mieux en mesure de savoir de quoi vous parlez puisque vous êtes la propriétaire d'une petite Chinoise et que ce n'est pas mon cas. Mon opinion est que vous avez bel et bien acheté votre fille ; je suis désolé que vous en soyez choquée. Quand je donne de l'argent en échange de ce que je convoite, j'appelle ça « acheter ». La preuve est très facile à faire. Auriez-vous pu avoir cette Chinoise comme « VOTRE FILLE » si vous n'aviez pas donné votre argent en échange et payé tous les frais administratifs couvrant les formalités ? Si votre réponse est « non », vous avez bel et bien participé à un exercice marchand dans lequel vous vous êtes approprié un bien contre rétribution. Que tout ait été fait ouvertement n'y change rien. Que ces montants soient appelés « don » ou « frais administratifs » n'y change rien non plus. Mais le point central de mon texte n'est pas mon jugement sur l'éthique de l'adoption qui vise à rendre compte du bien ou du mal d'acheter une petite Chinoise ou non. Le pivot central de ce texte est un questionnement fondamental sur ce que l'on considère être de la générosité. Socrate vous aurait posé la question suivante : « Croyez-vous avoir été véritablement généreuse envers cette petite Chinoise en donnant de l'argent pour devenir légalement sa maman ? » Et cette question nous mène à la suivante : « Qu'est-ce que la véritable générosité ? » Et ensuite : « Est-ce que celui qui obtient quelque chose en échange de ce qu'il donne peut être véritablement considéré comme généreux ? » Mon avis est que si vous aviez été véritablement généreuse, vous auriez simplement parrainé cette petite fille sans l'extraire de sa culture ni rien demander en retour. Vous auriez, par exemple, pu faire en sorte de retrouver sa famille naturelle et d'améliorer leurs conditions de vie, ou encore subventionner un organisme de planification des naissances, ou que sais-je encore, mais je ne vois pas où est la générosité de celui ou celle qui retire un bénéfice de sa prodigalité. Si mince soit-il, ce bénéfice s'inscrit pour moi dans une logique marchande. Et cette logique est d'autant mieux confirmée que nous savons que les mères chinoises qui abandonnent leurs filles le font principalement à cause de leur pauvreté (en Chine, une fille coûte, un garçon rapporte). Nous savons tous l'importance de la famille en Chine. Que vous cueilliez le fruit d'une famille désunie pour cause de pauvreté avec votre richesse me semble de toute évidence un geste profitant. Penserait-on donner un enfant en adoption dans un pays occidental parce que la mère n'a pas les moyens de l'élever ? Peut-on encore interpréter un tel geste comme de la générosité ? L'assistance sociale n'a-t-elle pas été mise sur pied pour régler ce problème ? Pourquoi les valeurs familiales que nous préconisons dans nos pays occidentaux ne vaudraient-elles pas aussi pour les Chinois ? Vous vous choquez peut-être parce que je pointe le doigt sur un fait que vous n'osez pas vous avouer à vous-même. Après tout, que vaut l'opinion d'un inconnu que vous ne rencontrerez peut-être jamais dans votre vie ? Mais je ne suis pas le seul à insister pour appeler un chat « un chat » et vous aurez sans doute à confronter mon opinion de nombreuses fois dans votre vie ; peut-être de « VOTRE FILLE » elle-même plus tard. Pourquoi ne pas saisir l'occasion pour vous préparer honnêtement à y faire face plutôt que de vous cacher une réalité que vous avez installée dans votre vie ? Plusieurs propriétaires de Chinoises ont fait face à leur propre jugement par mon texte. En voici une qui, sûrement, va vous interpeller : Réponse à une critique insultante . Cette femme a réagi très violemment envers moi. Je reconnais que vous ne m'avez pas insulté et ceci enlève un obstacle à notre compréhension mutuelle. Cependant, vous trouverez dans ce texte des précisions supplémentaires sur les arguments qui fondent mon opinion. Je ne suis pas particulièrement attaché à celle-ci ; aussi, je suis tout disposé à la modifier si on m'apporte des arguments me démontrant la faiblesse de mes raisonnements. Je vous invite cordialement à y répondre. Sachez que dans cet échange, je tiens à garder pour vous tout mon respect, pour la seule raison que vous êtes, comme moi, un être humain passible de souffrance, et ceci est pour moi sacré. Je vous remercie d'avoir provoqué chez moi l'occasion d'approfondir ma réflexion et je vous invite à poursuivre la vôtre. Nous vivons dans des pays où la libre expression de notre pensée est protégée par une charte universelle. Cette situation comporte cependant la particularité d'avoir à entendre l'opinion de gens qui ne pensent pas comme nous. Si c'est un inconvénient pour vous, j'en suis désolé. Mais pour ma part, j'estime que les gens qui ne partagent pas mon opinion sont tout aussi importants que les autres puisqu'ils alimentent ma réflexion. Mes salutations les plus cordiales à vous Madame Destexhe. François Brooks |
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