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1980 |
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Mon oncle d'Amérque [1] |
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SOMMAIRE |
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1. Présentation d'Henri Laborit 2. La pulsion des êtres vivants 3. Les trois cerveaux de l'humain |
3. Les trois cerveaux de l'humain
L'évolution — l'évolution des espèces — est conservatrice. Et dans le cerveau des animaux on trouve des formes très primitives. Il y a un premier cerveau que MacLean a appelé le cerveau reptilien. C'est celui des reptiles, en effet, et qui déclenche les comportements de survie immédiate sans quoi l'animal ne pourrait pas survivre : boire, manger — qui lui permet de maintenir sa structure — et copuler — qui lui permet de se reproduire. Et puis, dès qu'on arrive aux mammifères, un second cerveau s'ajoute au premier. Et d'habitude on dit, avec MacLean encore, que c'est le cerveau de l'affectivité. Je préfère dire que c'est le cerveau de la mémoire. Sans mémoire de ce qui est agréable, de ce qui est désagréable, il n'est pas question d'être heureux, triste, angoissé ; il n'est pas question d'être en colère ou d'être amoureux. On pourrait presque dire qu'un être vivant est une mémoire qui agit. Et puis un troisième cerveau s'ajoute aux deux premiers. On l'appelle le cortex cérébral. Chez l'homme, il a pris un développement considérable. On l'appelle un cortex associatif. Ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'il associe. Il associe les voies nerveuses sous-jacentes et qui ont gardé la trace des expériences passées ; il les associe d'une façon différente de celles où elles ont été impressionnées par l'environnement au moment même de l'expérience. C'est-à-dire qu'il va pouvoir créer, réaliser un processus imaginaire. Dans le cerveau de l'homme, ces trois cerveaux superposés existent toujours. Nos pulsions sont toujours celles très primitives du cerveau reptilien. Ces trois étages du cerveau devront fonctionner ensemble. Et, pour ce faire, ils vont être reliés par des faisceaux. L'un, on peut l'appeler le faisceau de la récompense, l'autre, on peut l'appeler celui de la punition. C'est lui qui va déboucher sur la fuite et la lutte. Un autre encore est celui qui va aboutir à l'inhibition de l'action. Par exemple, la caresse d'une mère à son enfant, la décoration qui va flatter le narcissisme d'un guerrier, les applaudissements qui vont accompagner la tirade d'un acteur, et bien tout cela libère des substances chimiques dans le faisceau de la récompense et aboutira au plaisir de celui qui en est l'objet. J'ai parlé de la mémoire. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que, au début de l'existence, le cerveau est encore, disons, immature. Donc, dans les deux ou trois premières années de la vie d'un homme, l'expérience qu'il aura du milieu qui l'entoure sera indélébile et constituera quelque chose de considérable pour l'évolution de son comportement dans toute son existence. Et finalement, nous devons nous rendre compte que ce qui pénètre dans notre système nerveux depuis la naissance, et peut-être avant, in utero, les stimulus qui vont pénétrer dans notre système nerveux nous viennent essentiellement des autres ; et que nous ne sommes que les autres. Quand nous mourons, c'est les autres que nous avons intériorisés dans notre système nerveux, qui nous ont construits, qui ont construit notre cerveau — qui l'ont rempli — qui vont mourir. Ainsi nos trois cerveaux sont là. Les deux premiers fonctionnent de façon inconsciente. Nous ne savons pas ce qu'ils nous font faire : pulsions, automatismes culturels. Et le troisième nous fournit un langage explicatif qui donne toujours une excuse, un alibi, au fonctionnement inconscient des deux premiers. Je crois qu'il faut se représenter l'inconscient comme une mer profonde et ce que nous appelons le conscient, comme l'écume qui naît, qui disparaît, renaît à la crête des vagues. C'est la partie très très superficielle de cet océan qui est écorchée par le vent. |
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Ainsi, répétons-le, cette situation dans laquelle un individu peut se trouver d'inhibition dans son action, si elle se prolonge, commande à toute la pathologie. Les perturbations biologiques qui l'accompagnent vont déchaîner aussi bien l'apparition de maladies infectieuses que tous les comportements de ce qu'on appelle les maladies mentales. Quand son agressivité ne peut plus s'exprimer sur les autres, elle peut encore s'exprimer sur lui-même de deux façons. Il somatisera : c'est-à-dire qu'il dirigera son agressivité sur son estomac où il fera un trou, un ulcère d'estomac ; sur son coeur et ses vaisseaux, il fera une hypertension artérielle ; quelquefois même des lésions aiguës qui aboutissent aux maladies cardiaques brutales : les infarctus, des hémorragies cérébrales ; ou des urticaires ou des crises d'asthme. Il pourra aussi orienter son agressivité contre lui-même d'une façon encore plus efficace : il peut se suicider. Et, quand on ne peut pas être agressif envers les autres, on peut, par le suicide, être agressif encore par rapport à soi. |
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— J'étais comme la plupart des gens qui passent leur vie à attendre le bonheur comme on attend un héritage, quelque chose qui vous est dû... Héritage d'un oncle d'Amérique. — L'Amérique ça n'existe pas... Je le sais, je le sais, j'y ai vécu. L'inconscient constitue un instrument redoutable, non pas tellement par son contenu refoulé — refoulé parce que trop douloureux à exprimer, car il serait « puni » par la socioculture —, mais par tout ce qui est, au contraire, autorisé et quelquefois même « récompensé » par cette socioculture, et qui a été placé dans son cerveau depuis sa naissance. Il n'a pas conscience que c'est là, et pourtant c'est ce qui guide ses actes. C'est cet inconscient-là — qui n'est pas l'inconscient freudien — qui est le plus dangereux. En effet, ce qu'on appelle la personnalité d'un homme, d'un individu, se bâtit sur un bric-à-brac de jugements de valeur, de préjugés, de lieux communs qu'il traîne et qui, à mesure que son âge avance, deviennent de plus en plus rigides, et qui sont de moins en moins remis en question. Et quand une seule pierre de cet édifice est enlevée tout l'édifice s'écroule. Il découvre l'angoisse. Et cette angoisse ne reculera ni devant le meurtre pour l'individu ni devant le génocide ou la guerre pour les groupes sociaux pour s'exprimer. On commence à comprendre par quel mécanisme — pourquoi et comment, à travers l'histoire et dans le présent — se sont établies des échelles hiérarchiques de dominance. Pour aller sur la lune, on a besoin de connaître les lois de la gravitation. Quand on connaît ces lois de la gravitation, ça ne veut pas dire qu'on se libère de la gravitation ; ça veut dire qu'on les utilise pour faire autre chose. Tant que l'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent, tant qu'on n'aura pas dit que, jusqu'ici, ça a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chances qu'il y ait quelque chose qui change. |
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[1]
Conférence d'Henri Laborit tirée du film
Mon oncle d'Amérique,
dont le cinéaste Alain Resnais a illustré les travaux par une mise en scène dramatique avec Gérard Depardieu,
Nicole Garcia et Roger Pierre. Produit par Philippe Dussart Sarl © 1980. |
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