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Toutes mes félicitations!

par François Brooks

Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la salle qui pourrait m'expliquer pourquoi on félicite toujours le gagnant d'un concours ou d'un tirage? D'abord, si l'occasion se présentait, je ne me sentirais aucune position d'autorité pour le faire. Ensuite, il est évident que la personne gagnante n'a rien fait de plus que d'acheter un billet de participation comme l'ont fait des milliers de personnes. Je ne vois vraiment rien de plus louable dans son geste que dans celui des autres. Enfin, ce gagnant a été déterminé par le hasard ; n'y a-t-il rien de moins méritoire que d'être désigné par un sort aléatoire? Personne ne « mérite » d'être désigné par le hasard plus qu'une autre ; c'est la nature même du hasard qui veut ça. Mais, il est d'usage de la féliciter chaleureusement. Grand bien lui fasse, mais pourquoi?

Comme une marque d'affection, et sous l'apparence fallacieuse de vouloir flatter l'amour-propre, les félicitations procurent à son auteur, une position d'autorité sur le récipiendaire. En effet, ce dernier, en les acceptant, se doit de reconnaître l'autorité de son flagorneur ; il la légitime.

J'ai beaucoup de difficulté à adresser des félicitations à qui que ce soit. Au moment de les adresser, je bloque systématiquement en réalisant que je dois m'octroyer une position d'autorité pour le faire et, le plus souvent, je réalise que je n'ai aucune autorité. De plus, si je me considérais véritablement supérieur à la personne à qui je m'adresse, je mépriserais toute forme d'autorité qu'elle pourrait me consentir ; pour être valide, j'estime que l'autorité doit m'être décernée par quelqu'un qui m'est supérieur.

Je me sens plus à l'aise d'exprimer mes félicitations sous forme d'admiration. Je déclare celle-ci à celui qui le mérite par son effort, sa ténacité, et toutes ces belles qualités humaines que la réussite couronne. Si j'admire quelqu'un, je me place plutôt dans une position d'humilité : en accord avec mon sentiment, je le prends pour modèle. Alors, sincèrement, « Monsieur, Madame, ou jeune personne, je vous admire ».

Philo5
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